Ballade en Iran
“Ballade en Iran” suite de l’article précédent “Patrimoine de l’Iran en Poésie”.
Ce que nous lisons dans cet article:
Arg-e Bam
Entre les monts Barez et le désert de Lut,
La vie sur ces plateaux est sans cesse une lutte
Qui trouve un compromis et une solution
À travers des ‘qanâts’, réseaux d’irrigation.
La maîtrise de l’eau sous ce climat hostile
Transforme en oasis cette terre fertile
Et sous Cyrus le Grand, premier Achéménide
S’élèvent les remparts d’une cité splendide.
Arg-e Bam s’affirma sur les voies commerciales
Comme un grand carrefour de renommée mondiale
Pour son coton léger et sa fine soierie
Qu’un ver providentiel assurait l’industrie.
Mais le charme soyeux de la ville persane
Subit les agressions des Mongoles chicanes.
Plusieurs fois relevées, les murailles de terre
Durent se convertir en bastion militaire.
Mais l’Iran reconnut ce joyau culturel
Pour rendre leur éclat à ces précieux autels.
Un séisme tragique interrompit l’essor
Et pourtant à genou, Bam poursuit son effort.
Behistun
Si cette pierre noire émanant de Rosette
Ouvrit à Champollion cette langue secrète,
Celle de Behistun, aux bas-reliefs sculptés
Fut pour Sir Rawlinson de même utilité.
Autour d’une montagne aux facettes diverses
Se trouve rassemblée l’histoire de la Perse,
Des premiers habitants du paléolithique
Aux grandes dynasties de ces rois homériques.
Pour immortaliser ses exploits militaires,
Darius fit inscrire trois versions similaires
Dont l’une fut gravée en mots cunéiformes
Brassage linguistique issu de plusieurs normes.
La bande ciselée aussi facilita,
Pour apprécier Darius vainqueur de Gaumata
Et porté au sommet, élevé comme un mythe
Confirmant à jamais l’importance du site.
L’art rupestre poursuit l’ornement des parois
Célébrant mille années de conquêtes des rois
Qui ont contribué à l’identité perse
Forgée dans le combat, dans l’art et le commerce.
Les ensembles monastiques Arméniens
La présence arménienne en royaume islamique
Joue pour cette région un rôle économique
Quand ces chrétiens d’Orient, habiles commerçants,
S’intègrent en symbiose et sans perdre de sang.
Parvenant à tisser des liens de tolérance
Ils peuvent pratiquer les choix de leur croyance,
Cultiver la vigne sur les coteaux incultes
Et dresser des autels consacrés à leur culte.
Perché sur un piton ou au fond d’une gorge,
C’est toujours près de l’eau que ces foyers se forgent
Donnant aux saints locaux, Thaddeus et Stéphane
Chacun un monastère aux limites persanes.
Ces ensembles moniaux constituent un modèle
De par leur conception forte et spirituelle
D’une enceinte puissante au porche colossal
Ouvert sur une église au plan octogonal.
Les voisins belliqueux assiègent ses murailles
Et le courroux surgit aussi bien des entrailles
Mais la ténacité des moines arméniens
Nous a légué intact ce remarquable bien
Ispahan
L’art islamique atteint à l’ère séfévide,
Un grand rayonnement avec ces shahs avides
D’affirmer leur puissance à travers leur culture
Sublimant Ispahan par son architecture.
Modelé par les oins du Shah Abbas Ier
Le cœur de la cité au plan bien régulier
Vibre dans cette place, oasis apprêtée,
Bordée de monuments sur chacun des côtés.
Aux quatre directions s’élèvent les façades
Laïque et religieuse unies par des arcades,
Respectant l’harmonie haute et équilibrée,
Entre palais royaux et mosquées colorées.
Par tradition filiale et avec assurance,
Le style ispahanais se dresse en référence,
Car derrière ce décor s’agitent en coulisses
Ces bazars reconnus répandant ces délices.
L’esplanade fleurie, clamée par les poètes,
Devient la scène ouverte aux rites et aux fêtes
Et sa prospérité se murmure à la ronde
Associée dans sa grâce à ‘l’image du Monde’.
Kashan
Gardiens de l’oasis aux portes du Kavir,
Deux mamelons livraient ce précieux élixir
Invitant les peuples à venir s’installer
Depuis l’aube des temps sur ces flancs reculés.
Plusieurs millénaires d’une vie troglodyte
Dans le Taipeh Sialk développa des rites
Dont l’héritage entra à l’ère sassanide
Pour édifier Kashan sous ce climat aride.
Jouissant des savoirs propagés par l’Islam
La ville se déploie pour l’amour d’une femme
Devenant un siège conceptuel et sage
Associé en Europe au foyer des rois mages.
Vitrine du Kashi par son architecture,
Ces carreaux émaillés scintillent dans l’azur
Tapissant les dômes d’un lustre métallique
Dont celui d’Al Dowleh est le plus symbolique.
Alternés aux palais, les jardins odorants
Distillent un parfum typique de l’Iran
Qui prend source à Kashan et au printemps arrose
Les femmes et gâteaux sous un torrent de rose.
Machhad
La Perse a reconnu nombreuses capitales
Étouffant tour à tour les têtes de l’Empire
Mais au-delà du Lut une cité respire.
Le tragique destin du grand Ali Rezâ
Se lie au village que la foi arrosa
Et ce lieu de martyr où périt l’Imam huit
Se traduisit Machhad pour les croyants chiites.
Un premier sanctuaire accueillit son tombeau
Sans cesse agrémenté pour le rendre plus beau
Lorsque les souverains en quête de pardon
Apportèrent chacun un monument en don.
Parmi les coupoles aux toits multicolores
Un dôme transparaît couvert de feuilles d’or
Ouvert par un iwan depuis l’ancienne cour
Et luit sur la mosquée à la lueur du jour.
Aujourd’hui célébrée pour ses mille visages
Machhad est devenue premier pèlerinage
Qu’un songe irrépressible a conduit ici là
Pour exaucer un vœu et remercier Allah.
Pasargades
De cette dynastie de puissants conquérants
Dont la lignée démarre avec Cyrus le Grand
Quand celui-ci vainquit le Roi mède Astyage
Et fonder sa cité dans les proches parages.
Bientôt Pasargades, traduction du camp perse
Dans la plaine du Fars que le Polvar traverse
Devint la capitale avant Persépolis
D’un immense royaume étendu par ses fils.
L’armée achéménide impossible à combattre
Célébra ces exploits d’un mausolée d’albâtre
Où vint s’agenouiller un grand macédonien
Qui restaura le temple avec beaucoup de soin.
Mais l’ère hellénistique estompe son prestige
Et les grands monuments deviennent des vestiges
Au point d’attribuer en toute confusion
La tombe à Bethsabée, mère de Salomon.
Son rôle défensif et de pèlerinage
Avec le Tall-e Takht et la mosquée en gage
Ont préservé longtemps la beauté de ce site
Dons les précieux jardins aujourd’hui ressuscitent.
Persépolis
Héritier du trône de Cyrus et Cambyse,
Darius va conforter cette impériale assise
Dans une capitale élevée dans le charme,
Favorisant les arts au détriment des armes.
Au cœur du pays fars, éloignée des frontières
Persépolis se dresse élégante et altière
Dont le rôle majeur est administratif
Et de célébrations des rituels festifs.
Venu de Babylone, Égypte et d’Ionie,
L’art persépolitain atteint une harmonie
Avec l’Apadana touchant la démesure
Et le raffinement au sein de la sculpture.
Ruinée dans l’incendie d’un délire alcoolique,
Le motif s’avéra beaucoup plus stratégique,
Lorsqu’Alexandre osa, comme le nœud-Gordien,
Tranché court aux envies des rebelles lydiens.
Laissé à l’abandon et en proie au pillage,
L’Unesco repéra ce précieux héritage
Pour en faire un flambeau du tourisme persan
Où la part légendaire ajoute à ses accents.
Tabriz
Le turbulent Caucase aux colères létales
Ensevelit souvent l’œuvre monumentale
Laissant apparaître des ruines dérisoires
Comme fil conducteur pour retracer l’histoire.
Forteresse assyrienne entourée de légendes
Tabriz est devenue une halte marchande
Dont la notoriété de son vaste bazar
Surpassa bien vite les modestes remparts.
Choisie par les Ilkhâns pour gérer leur empire
Sa richesse attira Tamerlan et ses sbires
Accablant la ville d’un profond désespoir
Jusqu’à l’avènement des Turcs du Mouton noir.
Parmi ces monarques épris d’art islamique
Djahân Shah éleva en fine céramique
Une grande mosquée aux nuances d’azur
Dont la robe haussée d’or illumine les murs.
Devenue le terrain des conflits russo-perses
Tabriz est parvenue à sauver son commerce
Dans ce dédale unique incombé aux achats
Où se mêlent tapis, kufteh et chocolat.
Takht-e-Soleiman
Le relief torturé d’une forge divine,
Oublié des Parthes à l’ère alexandrine
S’élève sous Peroz en culte à Zoroastre
Pour lequel est taillé de superbes pilastres.
La présence du feu et de l’eau réunis
À travers ces volcans et ces lacs infinis
Servent de fondation à une foi nouvelle
Du dualisme issu des forces naturelles.
L’empire sassanide adopte cette foi
Pour unifier son peuple à l’instar d’autrefois
s’opposant aux chrétiens qui gagnent l’occident,
Souvenir de Darius phœnix d’Extrême-Orient.
Trônant dans la vallée sur son plateau calcaire,
Le Takht-e-Soleiman devint un sanctuaire
Où se dressait un temple entouré de remparts
Avivant l’étincelle et s’enflammant pour l’art.
Sauvé par les Ilkhâns de la disparition,
Ce cadre légendaire à l’imagination,
Parvient à susciter malgré son dénuement
La sagesse ancestrale et l’émerveillement.