Patrimoine de l’Iran en poésie
Scientifique de formation, la littérature s’est pleinement intégrée dans la vie de Frédéric LHEUREUX. Vouant une affection pour le théâtre classique de Molière et Racine, il exprime en vers ses passions pour la nature et l’Histoire à travers des poèmes rebaptisés historimes, l’histoire en rimes.
Il est ainsi l’auteur de recueils sur Paris, le Val de Loire, le Languedoc et d’aventures pour la jeunesse sur le thème des abeilles. Élargissant son horizon vers d’autres cultures, Frédéric s’est renseigné sur de nouvelles civilisations en prenant comme repère le patrimoine mondial classé par l’UNESCO.
La magie persane a très vite attiré sa curiosité pour vous proposer ces historimes réunies dans une « BALLADE EN PERSE ».
Ce que nous lisons dans cet article:
Tchogha-Zanbil
Aux printemps des peuples, un élan de vigueur
Afflue près des cours d’eau de l’Elam fondateur
Qui croit pendant mille ans pour atteindre raison
Et répandre partout sa belle floraison.
Capitale des rois, Suze inscrit son empreinte
Tandis que Dur-Untash était la ville sainte
Dont le temple votif louait Inshushinak
Dans une religion aujourd’hui bien opaque.
Le carré d’origine est un unique étage
Sur lequel s’empilent, pour toucher les nuages,
Quatre nouveaux paliers coiffés par un autel
Dont le style inspira le mythe de Babel.
L’immense ziggourat projetée dans les cieux
Reçoit Napirisha au panthéon des dieux
Confirmant cet essor de l’empire élamite
Qui va bientôt subir la pire dynamite.
L’ouragan assyrien pulvérise la ville
Ne laissant que ruines dans tout Tchogha-Zanbil
Hormis la pyramide épargnée du conflit
Livrée à l’érosion de trois mille ans d’oubli.
Téhéran
De la banlieue de Ray, au centre provincial,
La cité traversa une ascension sociale,
Marquée par un destin populaire et errant
Avant de devenir la grande Téhéran.
Élue par les Ghajars pour être le berceau
D’un nouvel idéal imprimé sous leur sceau,
La ville est confrontée à des choix cornéliens
Dictés par les Anglais et les Russes voisins.
Nasseredin obtient quelques contreparties
Mais l’ouverture à l’ouest excite les esprits.
Les plus chagrins y voient un pacte avec Satan,
Pour les plus modernes, c’est l’art du Golestan.
La citadelle éteint ses fortifications
Pour ce palais conçu avec ostentation.
Le faste illumine les salons dispendieux
Ouvert sur des jardins aux parfums délicieux.
Résidence d’été prisée des Shahs Ghajars,
Elle est démantelée et laissée à l’écart.
Pourtant le monument retrouve son aura
Lorsque la République enfin le restaura.
Yazd
Au pied d’une montagne adossée au désert,
Yazd avait pour elle un handicap austère
Qu’Alexandre éprouva pour réduire en prison
Les Achéménides refusant sa raison.
Mais le piémont recèle un réseau phréatique
Qui confère à la ville un rôle stratégique
Pour se développer aux confluents des voies
Qui charriaient jadis des rivières de soie.
Epargnée des Mongols puis du fier Tamerlan
Commerce et tradition poursuivent leur élan
Mêlant l’islam avec la foi de Zoroastre
Et ce temple de feu bâtit sous des pilastres.
Ce culte original aux silencieuses tours
Condamnait les défunts à nourrir les vautours
Puis recueillait les os dans des urnes sacrées
Avant l’avènement des cercueils enterrés.
Ruinée par les afghans dans son économie
La ville s’est tournée sur la gastronomie
Que sont les baghlavas merveilleuse douceur
Et les tapis soyeux qui renouent sa grandeur.
Shiraz
Si de Persépolis puis de Pasargades
Le pays Fars acquiert sa première noblesse,
Et l’élu par Allah, au dire du prophète,
Sa seconde grandeur est l’œuvre des poètes.
Au-delà du paraître et de l’exubérance
Shiraz s’est élevée dans l’expression des sens
Creusant dans l’âme humaine au plus profond des cœurs
Pour édifier un temple à la science et aux mœurs.
Quand les shahs successifs dressent des monuments
Sa’di comme Hafez posent les fondements
D’une culture ouverte empreinte de soufisme
Et libre de pensée de tout absolutisme.
Leurs diwans célèbrent les traditions d’Iran
Pour trouver une place à côté du Coran
Tant leurs quatrains d’amour sont de courtes prières
Qui influenceront Montesquieu et Voltaire.
Entre parfum de rose et chant de rossignol
Pour atteindre l’ivresse, il n’est besoin d’alcool.
Les jardins de Shiraz sont les distilleries
De vers spiritueux qui ouvrent les esprits.
Shushtar
Si la machine humaine atteint la perfection,
Issue de la nature et de la sélection,
Le système hydraulique appliqué à Shushtar
De par sa conception ne doit rien au hasard.
L’impétueux Karun au débit énergique,
Va procurer ce fluide au modèle empirique
Et démultiplier, en creusant deux canaux
Les Dariun et Gargar, l’utilité de l’eau.
Amorcé par Darius aux sources sumériennes
Pour assurer d’abord l’irrigation des plaines
Le complexe est alors toujours modernisé
Pour défendre la ville et la climatiser.
Un réseau de tunnels alimente l’ouvrage,
Ponctué de moulins, de ponts et de barrages
Dont celui de Mizân édifié en amont
Témoigne du génie de ces lointains maçons.
Au-delà du travail, l’œuvre monumentale
Démontre des vertus environnementales,
Où notre société belliqueuse et avide
Pourrait venir puiser des solutions limpides.
Soltaniyeh
Bien après Alexandre, un nouveau conquérant
Vint s’abattre à son tour sur les plaines d’Iran.
Le grand Kubilaï Kahn triomphe et caracole
Porté par le galop de son armée mongole.
Ces rudes cavaliers éleveurs de chevaux
Installent à Tabriz un parlement nouveau,
Puis fondent Soltaniyeh pour une dynastie
Conquise à la beauté de ces vertes prairies.
Convertis à l’islam dans sa version chiite,
Les Ilkahns modifient la pratique des rites
Dressant un mausolée au plan octogonal
Qu’Oldjeitu s’approprie pour son repos final.
Richement décoré de faïence turquoise,
Le dôme azuré trône avec ses vingt-cinq toises
Entouré d’un bandeau aux inscriptions coufiques,
Fusionné en un style immense et magnifique.
À la mort du sultan, le précieux mausolée,
Tout comme la cité, fut alors immolé.
Mais la double coupole unique et novatrice
Traversa les siècles malgré les cicatrices.
(À suivre)