Hanabandan
La longue tradition du marquage culturel en Iran, Reproductions et manuscrits à l’appui, dans l’une de ses recherches sur l’art du tatouage au henné dans l’iconographie persane, l’historienne anglaise Catherine Cartwright Jones révèle que l’origine du marquage corporel décoratif est extrêmement ancienne puisqu’elle remonte au moins au dixième siècle de notre ère.
Aujourd’hui encore dans certaines parties du pays et notamment dans la Province du Hormozgan, nombre de femmes y recourent toujours et que son application continue à accompagner de manière rituelle les événements marquants de leur existence.
Ce que nous lisons dans cet article:
La fleur de “l’arbre qui pousse au paradis”
Importée d’Egypte qui l’utilisait déja depuis plus de 5 000 ans sur les momies et les orteils des pharaons, la fleur de “l’arbre qui pousse au paradis” se répandit ensuite à travers le bassin méditerranéen, de l’Espagne au Moyent Orient, en raison de son importance aussi médicinale et décorative que religieuse. On raconte encore que l’arbre lui-même aurait poussé” à l’intention de la fille du prophète qui fut la première femme à faire de sa teinte rouge une parure.”
La plante a les meilleures qualités tinctoriales lorsqu’elle croît dans les zones arides où la température oscille entre 35 et 45 degrés. Sa culture est donc particulièrement favorisée dans des pays chauds, comme l’Inde, l’Afrique du Nord, le Pakistan et le Moyen-Orient.
Au Sud de l’Iran. à l’extrémité de la chaîne des monts Zagros la province du Hormozgan y abrite ses principaux centres de culture. La chaleur humide qui règne une grande partie de l’année dans nombre de ses villes comme Bandar Abbas, Minab, Bandar Lengheh, mais également, face à Oman qui leur fait face de l’autre côté du Golfe Persique, les îles franches de Queshm, Kish et Ormuz, favorise la croissance de cet arbuste épineux qui atteind jusqu’à six mètres de haut et que l’on cultive désormais en champs. Les marchands en sont particulièrement nombreux sur les étals des marchés de Kerman, Bam et de Bahramadab.
Si l’essentiel de l’histoire de cette Province date de l’époque d’Ardachir 1er durant l’Empire Sassanide, elle a ensuite connu l’arrivée des conquérants arabes et des explorateurs européens, les portugais avec Vasco de Gama, puis les hollandais. Abbas 1er le Grand mit fin à cette série d’invasions avec les Britanniques qui l’aidèrent à chasser ces envahisseurs du Golfe Persique. Si la convoitise des uns et des autres étaient attirée, c’est autant par sa position stratégique que par ses onze ports et par sa terre extrêmement favorable à la culture des citrons verts, des dattes et des pêches et donc du lawsonia inermis aussi appelé “l’arbre de vie”
Le henné, que l’on extraie à partir de ses feuilles après qu’elles aient séchées au soleil pendant une dizaine de jours puis aient été broyées, a des vertus cosmétiques, dermatologiques, médicinales et désinfectantes. Il adoucit la peau, évite les excès séborrhéiques du cuir chevelu, soigne les aphtes, les abcès et les brûlures. On s’en sert pour teindre la peau, les cheveux, la soie, la laine et les cuirs. Enfin, il intervient dans l’élaboration de tatouages.
A la différence de celui qui est fait à base d’encre, le tatouage au henné n’est pas définitif et cette dimension éphémère en fait un argument de séduction particulièrement apprécié des jeunes femmes comme des jeunes hommes. On l’emploie comme ornement sur certaines parties du corps des épousées, et notamment, sur les pieds, les chevilles, les mains, les doigts et les poignets.
Les motifs ornementaux ne sont pas seulement décoratifs, ils sont considérés comme protecteurs et cette connotation magique possède une dimension prophylactique. En effet il n’y a pas si longtemps que ces applications d’idéogrammes, de signes pictographiques, ou d’arabesques comportaient une double puissance symbolique : éloigner le mauvais sort et afficher clairement vis à vis des autres son statut social.
La cérémonie d’Hanabandan
Dans le Sud du Pays, deux jours avant le mariage, se déroule au domicile des parents de la promise une cérémonie bien particulière : celle d’Hanabandan (la teinture au henné). Elle consiste à préparer la pâte de henné qui colorera les pieds et les mains de la future épouse et à la lui appliquer en présence des invités venus pour l’occasion apporter à toute la famille cadeaux et argent.
Dans la province d’Hormozgan, le henné étant un produit divin venant du paradis, il est censé procurer le bonheur, les invités profitent de l’occasion pour se faire eux aussi décorer pieds et mains d’arabesques et de dessins aux motifs floraux, animaliers voire même abstraits.
Le henné étant de couleur brun-rouge, rouge comme le sang, rouge comme la vie, rouge comme l’amour, il exalte les diverses parties du corps jusqu’à en faire de véritables bijoux qui deviennent dès lors eux-mêmes symboles de bonheur et de prospérité et inspirent à toute l’assistance une gaieté communicative.
Cette véritable orfèvrerie vivante a beaucoup à voir avec l’art de la broderie locale, qui est elle aussi largement pratiquée traditionnellement dans l’Ile de Qeshm: les fleurs et les animaux stylisés y sont aussi fortement représentés, de même que les assombrissement, etc.) d’une teinture au henné naturel, ce dernier se mélange à d’autres extraits végétaux comme la senna ou cassia (dit « henné neutre » non-colorant), l’indigo, le brou de noix, le rhapontic, le alternances géométriques de points et de lignes diversement entrelacées de cyprès, de palmiers et de soleils, tous éléments structurants des paysages de la région.
Si les femmes de Qeshm sont passées maîtresses dans l’art d’ornementer de motifs débordants d’imagination aussi bien leurs étoffes que leurs masques, leurs voiles ou leurs tenues de mariage, elles réussissent grâce à cette virtuosité à conférer à ces vêtements une dimension existentielle. Ils ne servent plus seulement à habiller, mais à s’affirmer.
La parure n’est plus tant destinée à protéger, du chaud ou du froid qu’à embellir. Elle donne confiance à celle qui la revêt et complète un corps, qui, à travers ses tatouages au henné, est lui-même tout entier devenu parure.
Les chants féminins qui accompagnent la cérémonie du Hanabandan, notamment dans la région de Kerman sont exceptionnels de richesse et de musicalité.
Les femmes ornées de ces tatouages fabuleux s’avancent en dansant et en chantant au son de la sorna, du dohal et du dayereh des chants appelés des aino-ha. Elles proposent au père de la fiancée de commencer par décorer au henné la peau de la future épouse, avant que dans une pièce séparée ne vienne le tour de son fiancé.
Dans le passé, l’aiguille était utilisée pour tracer et estamper ces motifs avec le henné, de nos jours de nouvelles techniques sont pratiquées pour l’exécution de cet art aussi symbolique qu’identitaire.
Germaine 27 octobre 2021
مزون بندری ها ، فائزه خورسندی پور ، عکاسی 24 ، عباس احمدی